Boucher un trou de tréso de 600k
Au programme du jour : comment réunir 600k$ en 2 jours, avec une technique un peu borderline.
Bonjour jeune prodige,
Aujourd’hui, j’ai l’honneur de vous partager une interview pas comme les autres, dans laquelle je raconte mon parcours pas commun de “CFO conteur” (pas mal comme surnom, non ?).
Puis, l’histoire du jour vous aidera si vous avez déjà eu des petits tracas vis à vis de la trésorerie. Personnages fictifs, situation vécue.
Petit café (incontournable) et on y va ? ☕️
Thème : Réunir 600k$ en 2 jours
Temps de lecture : 🎵 5 minutes, 12 secondes 🎵

Lundi 30 novembre 2020, il est 21h45 à New York. J’envoie mes estimations de trésorerie réajustées pour la quinzième fois. Il n’y a pas d’erreur, j’en ai maintenant la certitude. Un éclair déchire le ciel sombre quand je clique sur le bouton “envoyer”. Le couperet tombe. On doit sortir 300k$ de salaire. On a à peine 20k$ sur le compte. J’observe les chiffres, encore. Je ne trouve pas d’issue.
Le tintement de Skype m’extrait de mes tableurs. Florent, mon boss, m’appelle depuis Singapour.
— On est à court de cash Florent, lui dis-je, et les factures en retard ne seront pas payées à temps. Il va falloir annoncer que les virements des salaires partiront avec un retard de quelques jours, voir de quelques semaines. On n’a plus le choix.
— Non, c’est hors de question. Il y a forcément une alternative, il faut qu’on trouve un moyen de réunir les 300k nécessaires pour payer les salaires à temps, me répondait-il flegmatique.
— Ça me paraît impossible. À mon avis, on doit surtout prendre nos responsabilités. On a prit des décisions risquées, on le savait. Voilà, maintenant on est au pied du mur. Je pense qu’il faut juste être transparent et dire les choses telles qu’elles sont.
— Pas encore, il nous reste deux jours pour trouver une solution. La journée commence à peine ici, à Singapour. Rentre chez toi Kevin. Repose toi. Je vais voir si je peux trouver quelque chose, j’ai peut être une piste. On en parle demain.
Je refermais mon ordinateur en expirant longuement. Les préoccupations, le stress et la luminosité de l’écran m’avaient maintenu en alerte, mais maintenant que j’étais plongé dans la pénombre de la nuit, la fatigue accumulée s’abattait sur moi de tout son poids. Je me sentais exténué, sans pour autant réussir à trouver le sommeil. Comment annoncer à plus de 60 personnes qu’elles ne seront peut être pas payées ce mois-ci ? À ce moment là, bien sûr, j’ignorais le coup de maître que réussirait Florent et que je n’aurais jamais osé faire.
Les rues brillaient d’un millier de reflets, le soleil lançait ses rayons sur les vitres des immeubles typiques new-yorkais. Avec mon épouse, nous ne pouvions nous empêcher de nous écrier “regarde, c’est comme dans les films !”, à chaque coins de rue. Quiconque s’est déjà rendu à New-York a forcément vécu cet enchantement. Nous ne nous en privions pas, même si nous étions là pour affaires : ouvrir une filiale sur place.
D’un point de vue business, les États-Unis, et plus particulièrement New-York, diffèrent très considérablement de la France. Surtout au niveau des mentalités. Par exemple, notre tout premier client américain avait donné son feu vert “for a small project” à 100k$, alors qu’on se battait bec et ongles avec les plus belles entreprises parisiennes pour obtenir un budget de 20k€. En toute logique donc, dès la première année, la filiale US représentait déjà plus de la moitié du Chiffre d’Affaires du groupe.
Dès les premiers mois, l’agence s’était développée à vitesse grand V. Nous avions ouvert des bureaux à Brooklyn, quartier de Dumbo, Jay street. Recruté une équipe. Et surtout, crée des bureaux d’agence “comme dans les films”. Tant qu’à faire. Écran démesuré, salon tout confort, salles de réunions vitrées. Nous étions les Harvey Spencer des agences de comm.
Mais j’avais vu venir le mur. Quand on est DAF, on a tendance à voir les murs arriver. Hélas pour moi, la fête n’avait plus la même saveur. Cette nuit-là, je n’avais presque pas dormi. Au petit matin chez moi, l’aube était venue chez Florent, quand il m’expliquait son plan en 3 étapes pour nous tirer d’affaire.
Réunir 600k$ en 2 jours
Lorsque des problèmes de trésorerie se présente, il est possible d’explorer plusieurs options. Dans l’édition du jour, j’en évoquerai 2 principales : faire appel à un service d’affacturage et négocier une ligne de crédit. Le 3ème est bonus, pour l’histoire ;)
Faire appel à un service d’affacturage
L’affacturage vous permets de réduire très considérablement le temps de paiement d’une facture. Il s’agit d’une organisation tiers qui paie vos factures rubis sur ongle, à la place de vos clients, moyennant commission bien sûr. Vos clients paient ensuite la société d’affacturage en direct.
Avantage : permet de réduire le BFR
Inconvénient : commission de +/- 10%
⚠️ À utiliser avec précaution, car si le client final ne paie pas les factures, vous serez contraint de rembourser la société d’affacturage.
Négocier une ligne de crédit
À la différence d’un crédit traditionnel, une ligne de crédit est “open bar”. Vous disposez d’une somme toujours disponible, que vous consommez en intégralité ou en partie, et que vous remboursez sous forme de mensualités lorsque vous l’utilisez.
Avantage : permet de disposer d’une enveloppe toujours disponible
Inconvénient : taux d’intérêts sont un peu plus élevés qu’avec un crédit traditionnel (compter 6 à 8% en fonction des organismes)
(Bonus) Faire une petite folie
Mon coeur s’est arrêté quand Florent me racontait son idée. C’était borderline. J’ai refusé de manière catégorique, l’ai traité de fou, d’inconscient. Mais quand il m’a demandé si j’avais une autre solution… je n’en avais pas. C’était dingue, mais on l’a fait quand même.
À ce moment là, nous étions en phase finale des négociation pour un gros projet, avec une entreprise américaine dont vous utilisez les services tous les jours. La négociation était déjà bien avancée, mais nous n’avions pas encore le bon de commande signé. Florent a créé la facture sans l’envoyer au client, a envoyé cette facture au factor et encaissé l’argent le jour même. Et ensuite ? Les négociations ont duré encore plusieurs semaines. Il discutait l’air de rien, mais il s’est battu bec et ongles. Et il a réussi à avoir le bon de commande signé !
Trois ans ont passée depuis cette fameuse nuit, et de l’eau a coulé sous le Brooklyn Bridge. Pour ne plus jamais avoir à vivre ce type de mésaventures, j’ai pris les dispositions qui s’imposaient : budget, plan de tréso, évolution du BFR et forecast divers et variés. Mais nous en parlons encore avec Florent, alors qu’il me rend visite à Mexico, où nous venons d’ouvrir une nouvelle filiale.
— Tu te souviens quand on était en galère de cash pour payer les salaires ? Me demande-t-il en posant sa michelada sur la table.
— Un peu que je m’en souviens, lui répondis-je en souriant. C’était borderline, mais c’est passé crème. Franchement, t’as été tellement audacieux ce jour là, j’aurais jamais eu le cran !
— J’avoue… j’étais pas serein. Mais c’était hors de question pour moi de laisser les gens en galère de salaire ! Et puis bon, c’était un grand compte et pour la bonne cause.
— Robin des bois des temps moderne, ouais. Quelle aventure…
C'est à ça qu'on distingue les grands entrepreneurs. À leur capacité de rebondir, à trouver des solutions brillantes même dans les moments les plus sombres. Je concède que la limite entre le génie et la folie est parfois très mince, mais… quelle aventure.
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À propos de moi
Je suis Romain Maltrud et, d’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours rêvé d’être écrivain. Toute ma vie, j’ai mis de côté ce rêve et, à défaut, je suis devenu DAF à temps partagé avec +15 ans d’expériences internationales, j’ai co-fondé FromTheInsight - une agence spécialisée en OKR, et rédigé une thèse sur l’alignement stratégique dans les entreprises françaises.
En 2023, m’autorisant à rêver de nouveau, j’ai créé cette newsletter qui allie ma passion pour l’écriture et mon expérience professionnelle. Je prends beaucoup de plaisir à l’écrire, j’espère que vous prendrez plaisir à la lire.
N’hésitez pas à me faire un commentaire, ou à me dire ce que vous en avez pensé de façon anonyme.
À bientôt avec un p'tit café ☕
Romain
J'aurais eu des sueurs froides moi aussi à la place du DAF ! Bravo pour cette nouvelle édition :) Comme quoi, les solutions ne sont pas toujours "classiques" même si je préfère les méthodes "dans les clous" pour bien dormir ;)
L'audace a payé !
C'était agréable à lire.